[FICHE FILM] Vivaah - Amrita mon amour!

[Maya]

J'ai tout simplement pas aimé. En fait j'ai presque détésté. En fait j'ai trouvé ce film limite indigeste avec son message qui dit qu'un marriage arrangé c'est beau c'est l'idéal pour fonder une famille selon les valeurs morales indiennes. J'ai beau être indien. J'ai beau être hindou. J'ai beau respecter les valeurs morales indiennes. Mais pour moi, ce film est un bourrage de crane avilissant.

Il est vrai que le mariage arrangé, soit le mariage décidé par les familles pour établir un lien social entre elles et utilisant la femme comme monnaie d'échange, est l'union matrimoniale la plus courante en Inde, bien plus que le mariage choisi entre deux individus, encore très minoritaire et pratiqué par des individus plus émancipés socialement et culturellement. Balvala, nous a dit, par ailleurs, qu'il a vu des gens heureux et dont le mariage, pourtant, avait été arrangé. Certes, mais quel autre choix ont-ils ? Ils sont heureux car ils ont intégré le mariage comme devoir social et s'y résignent car c'est la norme sociale, surtout pour les femmes dont le statut est toujours défini par rapport à celui des hommes (fille, épouse et mère) et qui ne peuvent exister socialement autrement.

Qui se dévoue pour lancer une débat sur le mariage arrangé ? 

Pour ma part je ne pense pas que ce soit uniquement pour des raisons sociales que les mariages arrangés perdurent, mais aussi parce que les parents font plus confiance à leur capacité de choisir l'époux ou l'épouse qui conviendra à leur fille / fils, qu'à la capacité d'un jeune homme ou d'une jeune fille à faire le bon choix (la personne avec laquelle ils vivront en harmonie toute leur vie). Quand on voit le nombre de divorces occidentaux, on ne peut pas totalement rejeter cette idée. Bien sûr après ça dépend des critères de choix des parents et de leur capacité à réellement prendre en compte le bonheur de leurs enfants et non la reproduction de leur propres choix ou frustrations.

Des films comme Sangam, Kabhi Kabhie, ou encore le très joli Main, meri biwi aur voh ont vraiment modifié ma vision du mariage arrangé. Loin de moi l'idée d'en faire l'apologie, mais c'est un modèle qui peut fonctionner aussi, même si cela n'est pas adapté à nos mentalités occidentales aujourd'hui - à notre recherche effrénée d'un bonheur / amour parfait idéalisé, égocentré et égoïste. Comme disait Nougaro "l'amour le bel amour il ne vaut pas bien cher contre un calendrier"...
En revanche une union fondée sur une cohérence de milieu social, d'éducation, de personnalités (y compris les critères astrologiques), renforcée par une volonté commune de vivre heureux ensemble et de faire le bonheur de l'autre (différence fondamentale par rapport à notre société actuelle), finalement pourquoi pas...

J'aime bien aussi la vision du mariage arrangé que donne Salaam Namastey.

[Didi]

J'ai eu du mal à identifier ce qui m'interpelait dans ton message.
Ce n'est pas tant le mariage arrangé, que tu ne défends pas, mais dont tu signales que c'est modèle tout à fait valable au même titre que le mariage choisi. De cela j'en suis tout à fait convaincue. Le mariage arrangé comme institution sociale qui va de pair avec une conception patriarcale de la famille et qui est encore la norme en Inde, a aussi été la norme, dans des modalités un peu différentes, dans nos sociétés occidentales jusqu'à une époque assez récente (1e moitié du XXe siècle). Après tout, le mariage n'est ni plus ni moins qu'une institution sociale créée pour établir des alliances et déterminer une descendance légitime (l'homo sapiens mâle ayant eu tendance à faire prospérer ses gènes avec différentes femelles afin d'assurer la survie de l'espèce), rien de très romantique dans tout cela.
Ensuite, on sait très bien qu'il peut y avoir des abus, que ce mariage arrangé peut cacher une triste réalité.

Le mariage choisi qui représente une évolution récente implique le choix mutuel ce qui sous-entend que l'on peut faire le bon ou le mauvais choix, ou qu'il peut être bon sur une certaine durée puis mauvais ensuite.
Ce choix peut-être libre ou induit, de façon consciente ou pas, par des critères sociaux, culturels, etc., mais malgré tout c'est l'individu qui fait son propre choix.

Ce qui m'a interpelé c'est cette phrase

les parents font plus confiance à leur capacité de choisir l'époux ou l'épouse qui conviendra à leur fille / fils, qu'à la capacité d'un jeune homme ou d'une jeune fille à faire le bon choix

Et là j'ai du mal à rester objective et à conceptualiser.
Que les parents fassent le choix (du conjoint dans la société indienne) est typique d'une société patriarcale et survit, d'une certaine forme, dans nos sociétés dites « modernes »  où certains parents ne choisissent plus le conjoint de leurs enfants, mais leurs études, leur carrière. Et ça, ça me pose problème, quelque soit le type de société, car ça dénote un manque total de confiance dans le libre arbitre de leurs enfants et par là même un refus de les appréhender comme individu à part entière.

Cela dit, tu veux vraiment qu'on ouvre un débat sur le mariage arrangé ?

[lalita]

Ouah quel débat ! J'ai fais une critique de Vivah récemment, pourrais-je vous citer toutes les deux ? (quoi que j'ai évité d'aller aussi loin parce que c'est le genre de films sur lequel on est capable d'écrire des heures quand on est lancé)

[Didi]

Pas de problème pour moi, tu peux me citer si tu veux

[Maya]

Ouah quel débat ! J'ai fais une critique de Vivah récemment, pourrais-je vous citer toutes les deux ?

oui oui pas de souci 

[Maya]

Que les parents fassent le choix (du conjoint dans la société indienne) est typique d'une société patriarcale et survit, d'une certaine forme, dans nos sociétés dites « modernes »  où certains parents ne choisissent plus le conjoint de leurs enfants, mais leurs études, leur carrière. Et ça, ça me pose problème, quelque soit le type de société, car ça dénote un manque total de confiance dans le libre arbitre de leurs enfants et par là même un refus de les appréhender comme individu à part entière.

Le manque de confiance, ce n'est pas envers les enfants en tant qu'individus, mais envers leur manque de recul par rapport à ce qui leur arrive, leur manque de maturité. A 20 ans il est facile de croire au grand amour, sans vouloir prendre en compte des différences de fond qui vont mener le couple à l'échec deux fois sur trois.

[Didi]

Que les parents fassent le choix (du conjoint dans la société indienne) est typique d'une société patriarcale et survit, d'une certaine forme, dans nos sociétés dites « modernes »  où certains parents ne choisissent plus le conjoint de leurs enfants, mais leurs études, leur carrière. Et ça, ça me pose problème, quelque soit le type de société, car ça dénote un manque total de confiance dans le libre arbitre de leurs enfants et par là même un refus de les appréhender comme individu à part entière.

Le manque de confiance, ce n'est pas envers les enfants en tant qu'individus, mais envers leur manque de recul par rapport à ce qui leur arrive, leur manque de maturité. A 20 ans il est facile de croire au grand amour, sans vouloir prendre en compte des différences de fond qui vont mener le couple à l'échec deux fois sur trois.

C'est ça qu'il faut intégrer et que l'on a oublié (je pense surtout à notre société) : l'échec fait partie de l'apprentissage, il faut que l'individu fasse sa propre expérience, qu'il y ait la réussite ou l'échec à la clé, pour avancer.

A en croire les spécialistes, le couple homo sapiens est fait pour tenir 36 mois, le temps de mettre au monde un rejeton et que celui-ci devienne autonome. Par ailleurs, comme je l'ai dit hier, l'homo sapiens mâle a une tendance biologique à faire prospérer ses gènes avec différentes femelles (comme les lions). Ensuite, ce qui sépare l'homo sapiens des autres mamifères c'est la culture et c'est ce qui fait de lui un homme. La monogammie, l'endogammie, le mariage, divorce, l'amour, etc. se sont des pratiques culturelles.

Edit : j'ai l'air d'une cynique avec mes explications biologiques, mais c'est un moyen comme un autre de dépassionner le débat.
Pour résumer, face au mariage, il y a trois pratiques culturelles :
1) la plus ancienne. Le mariage est un pacte entre deux familles pour assoir une position sociale, politique, des liens d'amitiés et les enfants dans ce cas servent de monnaie d'échange. C'est clair, net et précis.

2) celle exposée par Maya : Les parents choisissent à la place des enfants pour différentes raisons, la principale c'est parce qu'ils se trouvent plus habilités de par leur expérience à choisir, mais objectivement c'est toujours un moyen de montrer la prépondérance de l'autorité parentale (j'entends "autorité" au sens de "autoritas") sur les enfants.

3) Une troisième voie : les parents donnent aux enfants les éléments culturels pour qu'ils puissent faire eux-mêmes le choix, c'est ce qu'on appelle l'éducation" qui n'est ni plus ni moins que la transmission de l'expérience. C'est cette expérience qui émancipe les enfants de l'autorité (autoritas) de leur parents et qui fait d'eux des adultes, qui, à leur transmettront leur expérience.

C'est dommage qu'il n'y ait pas plus de personne qui participent dans ce débat.