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L'Inde et Bollywood : le point de vue de Shashi Tharoor

Démarré par Dravinou77, 27 Janvier 2008 à 02:12:40

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Dravinou77

Le figaro : http://www.lefigaro.fr/debats/2008/01/26/01005-20080126ARTFIG00050-l-inde-et-bollywood-le-point-de-vue-de-shashi-tharoor-.php

Pour Shashi Tharoor, diplomate et écrivain indien, la vraie force de l'Inde, c'est la «puissance douce» de Bollywood.
Le monde entend beaucoup parler en ce moment des transformations extraordinaires qu'a connues l'Inde ces dernières années, voire de ses prétentions à devenir l'un des pays les plus puissants au monde. Certes, cela est un peu exagéré, mais il ne faut pas sous-estimer la puissance de l'Inde.

Qu'est-ce qui fait d'un pays l'un des plus puissants au monde ? Est-ce sa population, sa force militaire ou son économie ? Dans tous ces domaines, l'Inde a fait des avancées extraordinaires. Elle pourrait dépasser la Chine au rang du pays le plus peuplé d'ici à 2034, c'est une puissance nucléaire qui possède la quatrième armée du monde et c'est déjà la cinquième économie mondiale en termes de parité du pouvoir d'achat.

Tous ces indicateurs sont utilisés pour juger du statut mondial d'un pays. Pourtant, quelque chose de moins tangible, mais de bien plus précieux au XXIe siècle, pourrait s'avérer le plus important : la «puissance douce» de l'Inde.

Prenez l'Afghanistan  un problème de sécurité majeur pour l'Inde, comme pour le reste du monde. Dans ce pays, la plus grande force de l'Inde n'est pas son armée : elle n'y a aucun contingent. La plus grande force de l'Inde en Afghanistan est ailleurs : n'appelez un Afghan à 20 h 30, c'est l'heure à laquelle est diffusé sur Tolo TV le soap opera indien Kyunki Saas Bhi Kabhi Bahu Thi, doublé en dari, dont personne ne manquerait un épisode.

Saas est le programme télévisuel le plus populaire de l'histoire afghane, avec un taux de pénétration de 90 %. On pense qu'il est responsable du pic dans la vente de groupes électrogènes et même de l'absentéisme de certains responsables religieux durant les heures de diffusion. Saas a tellement conquis le public afghan que, dans ce pays musulman très conservateur, la série télévisée indienne domine désormais (et parfois justifie) les débats publics sur les questions familiales.

C'est une «puissance douce», dont la force particulière vient du fait qu'elle n'a rien à voir avec de la propagande gouvernementale. Les films de Bollywood, dont les charmes chamarrés touchent aujourd'hui un public bien plus large que la diaspora indienne des États-Unis et du Royaume-Uni, en sont un autre exemple. Un ami sénégalais m'a raconté que sa mère, illettrée, prend le bus pour Dakar tous les mois afin d'aller voir un film de Bollywood  elle ne comprend pas l'hindi et ne peut pas lire les sous-titres en français, mais elle parvient à saisir l'esprit des films et à comprendre l'histoire. Beaucoup de gens comme elle regardent l'Inde avec des étoiles plein les yeux. Un diplomate indien de Damas m'avait dit, il y a quelques années, que les photos de la superstar bollywoodienne Amitabh Bachchan étaient les seuls portraits affichés dans la rue à être aussi grands que ceux du président Hafez el-Assad.

L'art indien, la musique et les danses traditionnelles produisent le même effet. Il en va de même pour les créations des grands couturiers indiens, qui s'affichent sur les podiums des plus grandes capitales. La cuisine indienne, qui connaît un franc succès dans le monde entier, promeut encore un peu plus la culture ; elle passe par les papilles pour toucher le cœur des étrangers. Dans l'Angleterre d'aujourd'hui, les restaurants indiens emploient à eux seuls plus de personnes que les secteurs de la sidérurgie, des mines et de la construction navale réunis.

Lorsque des rythmes bhangra sont incorporés dans un disque de pop occidentale, lorsqu'un chorégraphe indien opère une fusion entre kathak et danse classique, lorsque des Indiennes raflent les titres de Miss Monde et Miss Univers, lorsque Le Mariage des moussons enchante la critique et que Lagaan est nominé aux Oscar, lorsque des écrivains indiens remportent le Booker Prize ou le Pulitzer, la puissance douce de l'Inde s'en voit améliorée.

De même, lorsque les Américains évoquent les IIT (indian institues of technology) avec la même déférence qu'ils accordent au MIT et que le fait d'être indien devient synonyme d'excellence mathématique et scientifique chez les ingénieurs et les informaticiens, l'Inde gagne en respect.

Àl'ère de l'information, comme l'affirme Joseph Nye, «gourou» de la puissance douce, ce n'est pas celui qui a la plus grosse armée qui gagne, mais celui qui a la meilleure histoire. L'Inde est déjà le «pays à la meilleure histoire». Société pluraliste dotée d'une presse libre et vivante, d'énergies créatives s'exprimant de façon plus plaisantes les unes que les autres, et d'un système démocratique encourageant et protégeant la diversité, l'Inde a un don extraordinaire pour raconter des histoires plus persuasives et attirantes que celles de ses concurrents.

Enfin, il y a toutes les retombées internationales que l'Inde recueille en se contentant d'être elle-même. Le pluralisme remarquable de l'Inde est apparu au grand jour lorsque, après les élections nationales de mai 2004, le président musulman (Abdul Kalam) a nommé un sikh (Manmohan Singh) premier ministre, après avoir proposé le poste à une femme politique d'origine catholique (Sonia Gandhi), dans un pays à 81 % hindouiste. Une attitude communautariste n'aurait jamais pu être aussi bénéfique à l'image de l'Inde dans le monde que cet épisode  d'autant plus qu'il n'était pas destiné au monde.

L'Inde a encore beaucoup à faire pour assurer santé, prospérité et sécurité à sa population. Des progrès sont en cours : la bataille contre la pauvreté est lentement (trop lentement) en train d'être gagnée. Mais, au XXIe siècle, l'Inde a sans doute plus de chances d'être admirée tout simplement pour ce qu'elle est plutôt que pour ce qu'elle fait.
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Meldon

Article bien sympathique. Je voulais vous passer le lien mais tu as été plus vite que moi.  ^^
Lebnan YA Habib El 3omr (Liban, mon seul amour)