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L’apostasie en islam, entre la pratique et les textes

Démarré par Meldon, 18 Septembre 2007 à 10:02:34

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Meldon

Un article intéressant de L'Orient - Le Jour. Une lecture bienvenue en cette période de Ramada et à l'heure où l'on promet 100 000 US$ pour la tête d'un dessinateur suédois (50 000 US$ de Bonus si il est égorgé).

Le dossier réalisé par Antoine Ajoury

De l'Afghanistan à la Grande-Bretagne, en passant par l'Iran et l'Égypte, les condamnations et les menaces de mort fusent contre les musulmans qui rejettent l'islam. Toutefois, la répression et la violence que suscite l'apostasie ne sont nullement justifiées dans les textes coraniques qui posent la liberté de pensée et de conscience comme fondement de la religion musulmane.
En 2006, le monde occidental découvrait, bouleversé, l'histoire d'Abdul Rahman, un Afghan de 41 ans, accusé d'apostasie, emprisonné par les autorités de son pays et menacé de mort. Aujourd'hui, il ne doit la vie et la liberté qu'aux gouvernements occidentaux qui ont fait pression sur Kaboul. Il vit désormais en Italie. La même année, un étudiant somalien de 22 ans qui s'est converti de l'islam à la foi chrétienne était abattu dans un quartier de Mogadiscio.
L'apostasie n'est pas explicitement condamnée par la loi en Égypte, pays signataire de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Toutefois, les tentatives de musulmans de se convertir à une autre religion sont entravées par le refus de l'État de modifier les papiers d'identité où apparaît la religion. Ces conversions ont également mené, parfois, à des arrestations et à des placements en prison ou dans des asiles psychiatriques. Certains apostats font en outre l'objet d'intimidations et sont contraints de vivre dans la clandestinité ou de fuir leur pays. C'est le cas de Mohammad Hegazy qui a décidé, en août 2007, de porter plainte contre le ministère égyptien de l'Intérieur pour pouvoir changer son statut personnel. Créant son blog sur Internet et refusant de se taire, il vit désormais caché après avoir reçu plusieurs menaces de mort. C'est le cas également de Lina Joy, l'une des femmes les plus célèbres de Malaisie. Musulmane convertie au christianisme, elle se cache désormais vraisemblablement en Australie.
Plus généralement, les apostats sont condamnés à mort en Arabie saoudite, en Iran, au Yémen, au Soudan, en Mauritanie et en Afghanistan. Le rejet de l'islam en Libye est sanctionné par la perte de la citoyenneté.
Plus surprenant encore, certains exégètes musulmans sunnites considèrent comme apostats les musulmans qui se convertissent au chiisme. Alors qu'en Iran, plusieurs cas d'assassinats et des exécutions extrajudiciaires et sommaires visent les apostats, et plus particulièrement les bahaïs. Le cas le plus connu reste celui du pasteur Mehdi Dibaj, un ancien musulman qui avait passé neuf ans en prison avant d'être condamné à mort par pendaison. Libéré après de nombreuses interventions de l'étranger, il fut assassiné mystérieusement quelques mois plus tard.
Les sanctions contre les apostats ne concernent pas uniquement les pays arabo-musulmans. L'Europe est également touchée, conséquence de l'impact de l'immigration. Le Timesonline a ainsi révélé en 2005 le cas de la famille d'un citoyen britannique d'origine pakistanaise converti au christianisme, terrorisée pendant des années par des menaces de mort et des dégradations matérielles de la part du voisinage dans un quartier du « Londonistan ». En Italie, plusieurs journaux et associations ont en outre signalé le cas de convertis ayant demandé de l'aide afin d'échapper au courroux de leurs parents ou de leur entourage.
Or les réactions violentes de la société et les sanctions sévères des gouvernements face à l'apostasie ne découlent d'aucune prescription coranique. Il n'existe pas une définition claire du « kafer » dans le Coran. Ce mot peut désigner en fait l'apostat, l'hérétique ou l'athée. De plus, le Coran mentionne deux types d'apostasie en parlant de « ridda » – qui signifie le rejet ou la sécession – et de « irtidad » – qui veut dire : retour en arrière. Sur la dizaine de sourates qui évoquent l'apostasie (voir encadré), aucune ne mentionne une sanction pénale que devrait subir l'apostat, contrairement aux sanctions qui visent le voleur, l'adultérin ou le meurtrier. Seul le verset 106 de la Sourate les Abeilles parle de la « colère de Dieu » comme châtiment terrible et effrayant.
La question de l'apostasie a toutefois toujours divisé la communauté musulmane. Alors que certains estiment qu'il n'y a aucun avantage à maintenir de force un non-croyant dans l'islam, d'autres veulent imposer plus de restrictions allant des peines de prison à la peine de mort.
Or ce débat semble fausser l'esprit même du Coran qui, selon le Pr Jamal al-Banna, « fonde la foi et la croyance sur la conviction de l'individu et sur sa guidance sans contrainte ni pression extérieure, et sur la liberté de choix la plus totale ». En effet, les textes coraniques qui imposent la liberté de pensée sont nombreux. Tel le verset 29 de la sourate 18 intitulée la Caverne, al-Kahf, qui dit : « Quiconque le veut, qu'il croie, et quiconque le veut, qu'il mécroie. » Le Coran énonce en outre que les prophètes n'ont même pas à contraindre les gens à la foi : « Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » (sourate 10 intitulée Jonas, Yunus, verset 99). Le Coran est donc très clair sur ce sujet, et montre qu'il est interdit de contraindre quelqu'un dans la religion : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. » (sourate 2 intitulée la Vache, al-Baqarah, verset 256).
Cette insistance à soutenir la liberté de conscience laisse à penser qu'il existe une règle d'or en islam qui interdit toute forme d'intervention de l'autorité sur la conscience de l'individu : « Tu ne diriges pas celui que tu aimes : mais c'est Dieu qui guide qui Il veut. » (sourate 28 intitulée le Récit, al-Qasas, verset 56).

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Ce que dit le Coran:

Le Coran fait allusion à l'apostasie dans un certain nombre de versets :
– « Et ceux qui parmi vous abjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. Voilà les gens du feu : ils y demeureront éternellement. » (sourate 2 intitulée la Vache, al-Baqarah, verset 217)
– « Ainsi dit une partie des gens du Livre : « Au début du jour, croyez à ce qui a été révélé aux musulmans, mais à la fin du jour, rejetez-le, afin qu'ils retournent (à leur ancienne religion). » (sourate 3 intitulée la Famille d'Imram, Aal Imrân, verset 72)
– « Ô les croyants ! Si vous obéissez à ceux qui ne croient pas, ils vous feront retourner en arrière. Et vous reviendrez perdants. » (sourate 3 intitulée la Famille d'Imram, Aal Imrân, verset 149)
– « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion... Dieu va faire venir un peuple qu'Il aime et qui L'aime. » (sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Ma'idah, verset 54)
– « Quiconque a renié Dieu après avoir cru... – sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi – mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à la mécréance, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible. » (sourate 16 intitulée les Abeilles, An-Nahl, verset 106)
– « Dieu a promis à ceux d'entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu'Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l'a donnée à ceux qui les ont précédés.(...). Il leur changerait leur ancienne peur en sécurité. Ils M'adorent et ne M'associent rien et celui qui mécroit par la suite, ce sont ceux-là les pervers. » (sourate 24 intitulée la Lumière, an-Nour, verset 55)
– « Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit chemin leur a été clairement exposé, le Diable les a séduits et trompés. » (sourate 47 intitulée Muhammad, verset 25).

* Source : « Le Saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets », édité par le Complexe du roi Fahd destiné à l'impression du Saint Coran.

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Pour Mohammad Habash, « les Hadiths mentionnant la peine de mort visaient ceux qui ont rejoint les ennemis du Prophète »
Quelques cas isolés ne constituent pas un phénomène général ou une crise

Malgré l'absence de châtiment terrestre pour l'apostat dans le Coran, une partie des exégètes musulmans, considérés comme radicaux et minoritaires, s'appuient sur les Hadiths du prophète Mohammad pour justifier la peine de mort contre ceux qui changent de religion. Dr Mohammad Habash, directeur du Centre d'études islamiques à Damas et député indépendant au Parlement syrien, explique les différentes interprétations des propos attribués au Prophète, estimant que quelques cas isolés ne constituent pas un phénomène général ou une crise en islam.
«Le Saint Coran ne fait aucune allusion à la peine de mort pour les apostats (al-mourtad), ni même à aucun châtiment terrestre contre eux », affirme de prime abord Mohammad Habash. Néanmoins, certains exégètes passent outre la portée des différents versets, pourtant clairs et explicites, sur l'apostasie pour se référer au Hadith. Les Hadiths étant des propos attribués au prophète Mohammad et rapportés par divers témoins. Deux de ces citations sont notamment considérées par certains religieux islamiques comme allant dans le sens d'une application de la peine de mort aux apostats. Le premier est un Hadith narré par ibn Abbas, dans lequel le Prophète dit : « Quiconque change sa religion, tuez-le. » Selon Mohammad Habash, « seuls les radicaux s'appuient sur ce Hadith dont l'authenticité est toutefois contestée ». En effet, la narration d'ibn Abbas a été rapportée par certains compilateurs des Hadiths dont l'imam Mohammad al-Boukhari, mais n'a pas été reprise par Abou Hussein Muslim al-Hajjaj dans son Sahih (les Sahihs étant les principaux recueils de Hadiths considérés comme les plus sûrs de l'islam sunnite). Ce dernier conteste certains critères d'authenticité retenus par Boukhari, ce qui devrait en principe diminuer la portée de ce texte pour en faire un Hadith faible.
Le second Hadith a été rapporté par Abdullah et repris dans le Sahih de Boukhari. Il précise que « le sang d'un musulman, qui accepte qu'il n'y a d'autre Dieu que Dieu et que je suis Son prophète, ne peut être versé que dans trois conditions : en cas de meurtre, pour une personne mariée qui s'adonne au sexe de manière illégale, et pour celui qui s'éloigne de l'islam et quitte les musulmans ».
Alors que certains rejettent un Hadith parce qu'il n'a pas bénéficié d'une large transmission – comme dans le premier cas cité plus haut –, d'autres estiment qu'il faut être très prudent avant de l'appliquer en tant que principe général. En effet, il convient de revenir sur les circonstances au cours desquelles un Hadith a été prononcé afin de savoir s'il s'agit d'une directive particulière ou d'une directive générale.
En effet, rien dans l'histoire du Prophète ne mentionne la moindre information rapportant explicitement l'exécution de la directive impliquant la peine de mort pour l'apostat. Au contraire, Mohammad a même signé avec la tribu de Khoreiche encore païenne un traité dont une clause stipule que « rien ne doit empêcher ceux qui le souhaitent de retourner dans la tribu adverse et, partant, de retourner à l'idolâtrie antémusulmane ». Évidemment cette clause du traité de Hodibiya n'a jamais été rapportée par Boukhari. Mohammad Habash confirme cette tendance. « Le Prophète n'a jamais énoncé aucune sentence contre eux. Il les a même bien traités », insiste-t-il.
Selon M. Habash, l'État islamique naissant « était fondé sur l'égalité et la justice, et non sur les croyances religieuses ». Il ajoute également que l'accord de Hodibiya disait clairement que « tous sont libres de rejoindre la coalition de Mohammad ou la coalition de Khoreiche ». « De nombreuses tribus non musulmanes, comme les chrétiens de Nagran, les juifs de Fadk et les païens de Khoza'a, se joignirent ainsi à la coalition du Prophète pour former la nouvelle nation islamique. Et toutes ces tribus, musulmanes ou non, bénéficiaient des mêmes droits et libertés, et de la protection de l'État islamique », explique M. Habash. Dans ce contexte, il souligne que « l'islam a fondé un État civil démocratique avec des droits et des obligations identiques pour tous, et non pas un État théocratique et religieux ». Il donne pour preuve le pacte-Constitution de Médine qui affirme : « Mohammad et les juifs de Banou-Aof (qui étaient à l'époque citoyens de Médine) sont une seule communauté. »
Pour Mohammad Habash, « les Hadiths mentionnant la peine de mort visaient ceux qui ont rejoint les ennemis du Prophète, c'est le cas de la "Hiraba" ». La « Hiraba » est, en islam, proche de la notion de traîtrise ou de crime de guerre. L'exécution de l'apostat concerne donc celui qui entre en guerre contre les musulmans et non celui qui a changé de croyance religieuse. En effet, à l'époque du Prophète, les musulmans étaient constamment en état de guerre. L'apostat ne se contentait donc pas de renier sa religion, mais le plus souvent rejoignait les ennemis de l'islam et combattait dans leur rang.
Donc, pour M. Habash, « l'apostat devrait poursuivre sa vie quotidienne normalement sans crainte, sauf s'il est tenté de provoquer ses anciens coreligionnaires ». « La majorité des chefs religieux musulmans sont de cet avis », poursuit-il. Il souligne toutefois que « la colère populaire dans des conditions pareilles est présente dans toutes les religions. Les quelques accrocs isolés qui se produisent ça et là en Afghanistan ou en Égypte ne constituent en aucun cas un phénomène général ou une crise » en islam. Et M. Habash de conclure qu'« il est de notre devoir de répandre la tolérance et l'acceptation de l'autre ».

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Lebnan YA Habib El 3omr (Liban, mon seul amour)

gorkita

Pour ma part je me réfère simplement à ce verset (que ton article cite d'ailleurs):

« Pas de contrainte en religion, la voie droite se distingue de l'erreur. » (S2V256)

Avec ça je me pose pas trop de questions (ce n'est pas le cas d'un certain nombre d'hurluberlus, mais c'est un autre débat)

Merci aussi pour apostasie : un nouveau mot à mon vocabulaire... Ca va etre chaud de le placer en réunion, mais bon !
On fait pas d'omelette sans entuber des poules.

lalita

en résumé c'est triste, et je ne comprend pas la motivation des gens (ne mettons pas tous les musulmans dans le même sac) qui font ce genre de choses.
Vas-y clic pour TAHO !!

http://www.myspace.com/taholian

Meldon

L'intérêt de cet article est de montrer que justement des musulmans éclairés ont une réflexion sur des sujets sensibles.  L'obscurantisme sert à certains mais mon opinion est que leur volonté n'est pas religieuse, c'est une pure recherche du pouvoir. Il sont près à jeter un apostat en pâture dans le but d'imposer un régime de terreur et fanatiser des foules.
Lebnan YA Habib El 3omr (Liban, mon seul amour)

balvala

Même si les passages du Coran cités n'appellent effectivement pas au meurtre des non-musulmans, ils restent tout de même terrifiants d'intolérance. Ils incitent à observer le plus grand mépris envers les non-musulmans.

Citation de: lalita le 18 Septembre 2007 à 12:30:33
en résumé c'est triste, et je ne comprend pas la motivation des gens (ne mettons pas tous les musulmans dans le même sac) qui font ce genre de choses.

Tout simplement le fanatisme je pense. Ceux qui sont tout en haut de l'échelle étant attirés par le pouvoir comme l'a dit Meldon, ou bien totalement cinglés.